On fait le bilan, calmement...
Nous sommes lundi 5 août, je décolle mardi 6 août. Nous pouvons donc dire que je suis à la fin du voyage... Ce message est un message bilan, si vous vous ennuyez, vous serez peut être intéressés, dans tous les autres cas, retournez à vos occupations, bande de bêtas !
Comment faire un bilan sur cette année? Beaucoup de choses que j'ai vécues vous ont été épargnées, n'ayant pas eu le temps, le courage de tout conter ici. Vous avez eu des aperçus, des images, des sensations que j'ai vécues; mais la totalité vous reste obscure, manants que vous êtes HAHA!
Pour un scientifique, mon voyage se résumerait à 11 mois, 334.5833333 jours selon le convertisseur internet "mois en jours", 8016h selon un convertisseur similaire, 2 trimestres de cours, 2 stages, beaucoup de voyages, 2 pays (Colombie et Equateur), et j'en passe, les chiffres ne veulent plus s'arrêter sous ma plume.
Pour un littéraire, ce serait... Peu de livres lus, quelques articles publiés sur mon blog, une langue très bien parlée (sans me vanter, j'ai beaucoup progressé), plein de carnets de voyages abandonnés en cours de route.
Pour un montagnard, ce serait, une montagne de plus de 5000m franchie, de multiples randos à plus de 4000, du sport à 2800m.
Bref, vous vous ennuyez sûrement de ce jeu de rôle, moi même je m'en lasse. Moi j'en retire quoi? Un voyage pas facile, mais vraiment enrichissant, ce serait le slogan. Tout n'a pas été toujours tout rose, vivre à l'autre bout du monde, c'est pas partir en voyage à l'autre bout du monde. Y'a eu des moments où j'ai dû ne pas me laisser le choix, ne pas me laisser faiblir, ou alors ma seule envie allait être rentrer en france, et vous voir. Ces moments, je me forçais à faire des choses, à faire des projets, à ne pas penser au temps qui me restait parce que ce temps, il y a eu un moment où il m'a fait peur. Ne pas pouvoir rentrer, juste 1h, juste 5 minutes, ça fait quelque chose. Ces moments pas faciles, en fait de solitude, ont été peut être ceux qui m'ont le plus fait grandir, et ceux où je me suis dit: il y a une bonne étoile qui me surveille. Parce que le sort, le destin, dieu, ou qui vous voudrez, mettait sur ma route des personnes extras, qui m'ont fait reprendre confiance en moi et le temps a continué de filer, jusqu'à aujourd'hui, 5 août.
Pas facile aussi, du fait de l'enquête avec l'IRD, du travail de terrain à Esmeraldas. Pour savoir ce que j'en pense, cf mon rapport de stage, actuellement en rédaction.
Mais très enrichissant... Une nouvelle langue, vivre avec une culture différente, rencontrer des gens du monde entier, et surtout je dirai, voir le monde avec d'autres yeux. Peu à peu, j'ai mis des "lunettes équatoriennes", je me suis identifiée à eux, je me suis sentie chez moi ici, et j'ai découvert une autre manière de penser. Parfois, leur vision de l'Europe m'énervait : à chaque fois, j'avais le droit au sempiternel cliché que nous sommes beaucoup plus individualiste qu'eux. Bon, je dis cliché, mais ils ont raison d'une certaine manière : par exemple, eux ne vivent pas avec la famille nucléaire, ce sont souvent des familles communautaires (surtout à esmeraldas), et mettre les grands parents dans une maison de retraite serait impensable (d'ailleurs, ça n'existe pas, ce qui le rend encore moins pensable). Donc la famille oui, a un poids beaucoup plus important, une pression aussi beaucoup plus forte. Mais au-delà de ça, sommes-nous plus individualistes? J'en doute, j'en sais rien. Peut être que j'ai oublié comment c'était en France, mais je ne pense pas. Par exemple, nos colocations sont en général bcp moins individualistes que les leurs, où chacun a son assiette et son sel. Nous aussi nous savons partager, enfin je crois. Ici, c'est vrai que les communautés kichwas, ou indigènes en général étaient beaucoup moins individualistes, pas du tout en fait, puisque personne n'existait en tant qu'individu, seulement en tant que communauté. Alors, dans ces communautés qui vivent aujourd'hui en isolement volontaire (comme dans le Yasuni, où il y a eu le conflit avec les Huaronis, je sais pas si vous en avez entendu parler...), c'est sûrement vrai. Sauf que comme l'indique leur nom, elles vivent en isolement, donc on ne peut pas les approcher, et encore moins savoir quelle est leur organisation. Mais bon, retournons à la réalité et arrêtons de vivre dans les mythes, aujourd'hui, la majorité des équatoriens vivent à la ville. Et même ceux qui vivent à la campagne (comme la communauté kichwa où je suis allée), sont frappés par la mondialisation, par le capitalisme. Et de fait, les mêmes shémas se dessinent qu'en France, qu'en Europe. Je ne veux pas dire que c'est des gens mauvais, au contraire, j'ai été accueillie les bras ouverts, et même partout en Equateur, sûrement mieux qu'en France, mais il ne faut pas idéaliser l'Equateur, ce ne serait pas un bénéfice pour eux.
Par contre, un aspect super positif ici, quelque chose que j'espère que je garderai c'est leur patience. Les équatoriens ne sont pas des gens pressés, les parisiens seraient leur antithèse (même s'il y a tjs des exceptions dans les deux cas, ne généralisons pas). Rien que le fait que quand tu prends un bus, tu sais à quelle heure tu pars, mais jamais à quelle heure tu arrives, change tout je trouve. Tu n'as pas d'attente, puisque tu sais vaguement à quelle heure tu vas arriver. Donc, tu attends. Il y a moins d'exigences ici... En Europe, on a un tel confort, des telles rapidités de transport, qu'on en veut toujours plus. Quand tu vas sur facebook, il y a toujours 3 de tes amis qui ont un statut qui critique la SNCF. Hé ho, les gars, il faut 3h30 pour faire Paris-Montpellier, qu'est-ce que vous demandez de plus ? Et un aspect qui est positif et négatif, et qui fait que la France et l'Equateur sont antithétique, c'est sur le fait de râler. Râler un peu, faire la grève, je pense qu'on est tous d'accord, pour dire que c'est un avantage. Mais râler tout le temps contre tout, alors qu'il n'y a pas vraiment de raisons (cf la SNCF), c'est quand même légèrement excessif. L'Equateur serait l'inverse: aucune grève, mais ils râlent peu.
Et quelque chose que j'ai détesté être, c'est me sentir étrangère. On te généralise, on te classifie, en 2 secondes, tu représentes l'Occident, le capitalisme et les firmes multinationales. Pas forcément mieux, quand ils savent que tu es français, tu représentes la Révolution, les idées des lumières, ou les syndicats, alors que parfois on se demande ce qui reste de tout ça dans le pays. Je sais que cette généralisation est faite dans tous les pays du monde, en France comme ailleurs, et que finalement je n'ai pas le droit de me plaindre, car je n'ai pas une couleur de peau qui fait que je suis discriminée d'une manière négative, et que je suis plus admirée que rejetée. Mais c'est vrai que parfois c'est pesant; cela l'a surtout été à Esmeraldas, où il n'y a aucun touriste, et où j'étais toujours toute seule. Ce n'était jamais méchant, mais c'est vrai qu'au bout d'un moment, quand à la deuxième question on te demande si tu as un copain, et si tu veux aller à la plage le lendemain, tu finis par inventer une histoire, qu'à la fin, tu connais tellement bien, que tu commences à y croire. J'aurais vraiment aimé me fondre dans le décor, avoir la peau plus foncée et les yeux moins clairs, juste pour pouvoir marcher dans la rue sans être regardée comme une extraterrestre. Mais comme je le dis, je ne me plains pas, je sais bien qu'un maghrébin en France n'a pas la même chance que moi. Mais j'espère juste en avoir retiré quelque chose.
Qu'est-ce que j'en ai retiré d'autre? J'en sais rien, je vous balance à la figure des idées en vrac, qui me viennent. Une grande sensibilisation à l'environnement, de par mon stage et ce que j'ai vu tout au long de l'année. Moi qui oubliait toujours d'éteindre ma lumière, ça me révolte quand quelqu'un l'oublie, et moi même quand je l'oublie (ce qui m'arrive, on est pas saints), je m'en veux. On est quand même bien dans la m*rde, et je suppose qu'ici où l'exploitation des matières primaires est une des plus grandes sources de revenu, c'est pire. Et ça se voit beaucoup plus. Je ne suis pas pessimiste, car c'est vrai que le monde, la terre, les êtres vivants se sont adaptés à des changements climatiques encore plus importants, par le passé. J'avais lu un texte où l'auteur disait que notre défi est de faire en sorte que l'être humain soit de ceux qui survivent. Je suis restée assez marquée par cette phrase. Et moi qui ne sait rien faire de mes dix doigts, qui sait utiliser mon clavier d'ordinateur à la perfection mais ne sait pas dans quel sens se tient une pelle, ni comment on fait pour bêcher, j'avoue que parfois, je me dis que ça n'a pas trop de sens, et que cela ne me ferait pas de mal de renouer un peu avec la nature. Bref...
Voilà, bon, je crois que je vais arrêter d'écrire puisque vous allez vous endormir, ah ça y est, j'entends le ronflement ! Vous aurez mes réactions en direct (préparer des boules quies!), parce que sur l'ordi, c'est pas facile de tout dire, même de tout écrire, on ne se souvient pas vraiment de tout. Comme vous avez été gentils, et que vous avez bien tout lu, en prime, vous avez le droit à quelques photos que j'ai récupéré.
Ile de Portete, province d'Esmeraldas, les crabes en folie. (Photo: Eugénie)
Evènement "Cumbres de la paz", pour la paix entre l'Equateur et la Colombie, réserve naturelle à la frontière (province de Carchi), couverte de Frailejones. (Photo Eugénie)
Vue depuis la basilique sur le panecillo, Quito. (Photo: Marie)
Sur ce, je vous quitte, terminer les derniers préparatifs pour demain, l'avion décollant à 15h55! Je vous dis à très vite à tous, vous m'avez bien manqué, j'ai hâte de vous voir.